Les consommateurs recherchent de plus en plus des vins à faible teneur en alcool, alors que les techniques culturales et les conditions climatiques actuelles conduisent les viticulteurs à élaborer des vins de plus en plus riches en alcool. Notre but est donc de proposer aux viticulteurs un procédé de désalcoolisation partielle préservant la qualité organoleptique de leurs vins.
CONTEXTE SCIENTIFIQUE ET ECONOMIQUE
Le contexte économique difficile de la filière vinicole incite à une diversification de la production vers des produits innovants, en réponse à de nouvelles attentes du marché. Par ailleurs, l'évolution des techniques culturales, couplée au réchauffement climatique, a conduit à une élévation du degré alcoolique des vins, notamment dans les vignobles méridionaux. Or bon nombre de consommateurs aujourd'hui, conditionnés par les campagnes de lutte contre l'alcoolémie au volant, sont beaucoup plus sensibles à la richesse alcoolique et recherchent des vins plus légers et digestes, mieux adaptés au mode de consommation moderne.
Les consommateurs préfèrent de plus en plus des vins à faible teneur en alcool, ils apprécient surtout des vins titrant de 9 à 13% alc.vol.. L'insuffisance de produits dont la teneur en alcool n'excède pas 12% alc.vol. conduit une partie des consommateurs à s'orienter vers des vins importés d'Espagne ou d'Italie.
Outre la recherche de solution technique, il reste à se conformer à la réglementation actuelle. La désalcoolisation des vins n'est pas une pratique œnologique autorisée. Il existe toutefois une possibilité d'obtenir une dérogation selon un certain nombre de règles et de contraintes. Les produits partiellement désalcoolisés ainsi obtenus pourront être commercialisés en France en tant que vin de table ou vin de pays s'ils respectent les conditions de production. Dans le cadre des appellations d'origine, il est nécessaire d'obtenir l'autorisation préalable de l'INAO. En principe, les résolutions de l'OIV sont transcrites dans le droit européen. La résolution 10/2004 admet la pratique de la désalcoolisation dans une limite de 2% vol. Pour des diminutions supérieures, rien en soi ne l'interdit, mais le terme "vin" ne pourra plus être utilisé. Le terme "boisson issue de vin partiellement désalcoolisé" ou "boisson issue de raisin" pourrait être retenu.
DIFFERENTES METHODES POUR DESALCOOLISER UN VIN
La correction de la richesse en alcool des vins est possible selon différentes solutions :
- la sélection de cépages présentant à maturité de faibles richesses en sucre ;
- la recherche de souches de levures dont la capacité de transformation de sucre en alcool serait réduite ;
- le retrait du sucre dans les moûts ;
- l'élimination de l'alcool dans les vins finis.
Retrait du sucre dans les moûts
La réduction du taux d'alcool d'un vin, de 1 à 3 degrés, en traitant le moût avant fermentation est possible par une technique soustractive brevetée. Cette technique permet de réduire la teneur en sucre d'un moût de raisins grâce à un traitement membranaire par étapes. Il s'agit d'extraire du moût, à basse température, un sirop de sucre concentré.
Cette solution technique a été conçue pour faciliter la production de vins à teneur légère en alcool, un créneau commercial qui reste insatisfait en France. Elle utilise deux étapes successives de filtrations sélectives par membrane. Les équilibres finaux du vin sont alors moins perturbés, les risques d'arrêt de fermentation liés à des degrés d'alcool potentiel trop élevés sont réduits. En revanche, un tel procédé induit une perte de volume plus importante que celle induite par les techniques de désalcoolisation des vins.
Elimination de l'alcool dans les vins
Différentes techniques existent afin d'éliminer l'alcool dans les vins :
L'évaporation sous vide
Cette méthode consiste en la vaporisation de l'alcool à moindre température. Une partie des arômes, les plus volatils, est également éliminée au cours de la distillation, et doit être ensuite fractionnée pour être réincorporée dans le vin désalcoolisé.
L'osmose inverse
Cette technique consiste à faire passer le vin à une forte pression sur une membrane afin d'éliminer du vin initial un mélange d'eau et d'alcool, appelé le perméat. Ensuite, on élimine l'alcool de ce perméat par distillation, après quoi cette eau endogène est réincorporée au vin.
L'élimination de l'alcool dans les vins n'est pas possible sans contraintes. Les équilibres alcooliques et aromatiques peuvent être totalement différents d'un vin à un autre. Un produit peut s'exprimer parfaitement à un degré alcoométrique donné et être totalement déséquilibré suite à une correction de seulement 0,2 % alc.vol. Il est donc primordial de réaliser des essais d'ajustement du titre alcoométrique avant tout traitement, afin de mettre en évidence le meilleur équilibre organoleptique. Le process doit parfaitement respecter les arômes et autres composés organoleptiques du vin. Tout doit être mis en œuvre afin d'obtenir un matériel de haut rendement, avec peu de pompages, générant un faible échauffement du produit, dont les modules d'osmose inverse présentent une faible perméabilité aux arômes.
Outre cette contrainte organoleptique, l'ajustement du titre alcoométrique obéit à une réglementation précise :
- la diminution maximale acceptée est de 2% alc.vol. ;
- autorisé actuellement qu'à titre expérimental, conformément au Règlement CE n°1622/2000 de la Commission du 24 juillet 2000 - Titre III - Utilisation expérimentale de nouvelles pratiques œnologiques - Article 41, pour les Vins de Pays.
Quant à la phase de distillation, elle révèle des difficultés de gestion. En effet, il ne faut pas raisonner cette distillation comme elle peut être faite classiquement, elle doit veiller à respecter les éléments organoleptiques présents dans l'eau. Par ailleurs, la gestion de l'alcool ainsi obtenu est contraignante : caution, stock précis, cuve jaugée, bilan hebdomadaire, relations douanières…etc.